LA BRASSERIE LIPP - 17/10/2016
LA BRASSERİE LİPP
Quand la province conquiert Paris
A Saint-Germain-des-Prés, le 17 octobre 2016, nous avons remonté l’histoire de la Brasserie Lipp, lieu emblématique des monde politique, littéraire et artistique depuis 130 ans.
Cet établissement situé à mi-chemin entre le Sénat et l’Assemblée Nationale a été créé par l’alsacien Léonard Lipp en 1880 après la défaite de Sedan et le traité de Francfort qui a rattaché l’Alsace à l’Allemagne.
A cette époque c’est un café modeste qui se nomme La Brasserie des Bords du Rhin où l’on sert principalement de la bière de Munich autour d’une choucroute. Il est déjà fréquenté par des poètes et des écrivains tels Apollinaire, Verlaine, Jarry créateur du célèbre Roi Ubu qui prend ses repas à l’envers. Marcel Proust y envoyait aussi chercher sa bière par sa bonne Céleste.
Le décor en céramique d’esprit Art Nouveau a été réalisé entre 1914 et 1920 par le père et l’oncle de l’écrivain Léon Paul Fargue.
En 1920, la brasserie prend le nom de brasserie Lipp lorsqu’elle est reprise par Marcellin Cazes, un aveyronnais épris de réussite, à l’origine vacher, puis successivement commis bougnat chez son frère à Montmartre, porteur d’eau chaude, commis de brasserie avant d’acheter un premier café boulevard Voltaire puis un restaurant. Monsieur Cazes agrandit les salles qui vont contenir jusqu’à 90 tables. Il emploie alors 25 serveurs car par tradition il n’y a aucune serveuse chez Lipp, A ce jour la tradition perdure et ils portent toujours la même tenue noire et blanche qu’à l’origine et qui comprend le rondin, le gilet, le long tablier blanc et un numéro en fonction de leur date d’entrée dans la maison.
Pendant l’entre-deux-guerres, Lipp accueille la clientèle du Vieux Colombier ainsi que la fine-fleur des comédiens, écrivains, artistes : Louis Jouvet, Roger Martin du Gard, Jules Romain, Léon –Paul Fargue, André Malraux, Saint-Exupéry, Picasso et Hémingway. S’y ajoute le monde politique de la III ème République où cohabitent malgré leurs profondes divergences les ténors de la gauche et de la droite : Maurice Thorez, Léon Daudet, Léon Blum. Le consensus n’est rompu qu’une seule fois : une bagarre éclata en 1936 en raison de la présence de Léon Blum.
En 1935 est créé par Marcellin Cazes le prix littéraire éponyme qui est attribué chaque année en mars à un auteur n’ayant jamais reçu de distinction littéraire. Parmi les plus célèbres figurent Michel de Grèce, Edgar Faure, Roger Sabatier.
En 1940, la Brasserie Lipp s’étend sur le trottoir après déplacement d’uns statue de Diderot et d’une pissotière. Après la guerre, l’établissement demeure fermé pendant quelques années, puis les célébrités des milieux politique et artistique renouent avec les lieux. On y croise Edouard Herriot, François Mitterrand, Valéry Giscard d’Estaing, Georges Pompidou et Monseigneur Veillot. On y rencontre également les vedettes du grand et du petit écran : Jean-Paul Belmondo, Philippe Noiret, Alice Sapritch et Thierry le Luron.
C’est devant la Brasserie Lipp qu’a été enlevé le 29 octobre 1965 par les services marocains Medhi Ben Barka opposant au roi du Maroc.
La qualité de l’établissement et de sa clientèle a entraîné l’instauration de règles de bienséance et de fonctionnement strictes et immuables qui ont perduré depuis sa création. La carte des menus a évolué toutefois de manière discrète au fil des décennies. En sus de la traditionnelle choucroute ont été introduits le hareng (1924), le pied de porc (1941), la tête de veau (1961) et la brandade de morue.
Après la mort de Marcellin Cazes en 1965, son fils Roger prit la direction de Lipp avant de céder l’affaire au Groupe Bertrand en 1990. La Brasserie Lipp emploie aujourd’hui 95 personnes dont 24 serveurs qui honorent 750 couverts par jour.
L’exposé de Madame Arnaud s’acheva par l’évocation d’autres établissements célèbres de Saint- Germain-des-Prés situés à deux pas tels Les Deux Magots et le Café de Flore, eux aussi propriétés d’auvergnats de Paris. Ils ont été le lieu de rencontre de grandes lignées d’auteurs. Charles Maurras a créé la revue Action Française au Café de Flore à la fin du 19 ème siècle et en 1913, Guillaume Apollinaire investit à son tour les lieux. Ces deux cafés ont été régulièrement fréquentés par les existentialistes Jean-Paul Sartre et Simone de Beauvoir, rejoints par l’écrivain musicien Boris Vian et Juliette Gréco la muse de Saint-Germain-des-Prés.
Cette conférence passionnante illustrée de projections de Madame Arnaud notre conférencière a été accompagnée pour le plaisir de tous, de la dégustation du célèbre millefeuille qui fait toujours la gloire de la maison.
Huguette Soudieux